L’aventure d’un monde nouveau

Hier et aujourd'hui

On se plaît à croire que c’est le désir, aussi perfide que noble, de découvrir un monde nouveau, de l’exploiter et de le soumettre, qui mena véri­ta­ble­ment à l’éclosion des notions d’aventure et d’aventu­rier. Ces velléités de conquête engendrèrent dès la fin du 15e siècle l’i­mage du voyageur héroïque qui était habité par un profond besoin de liberté et le désir ina­voué de fuir un monde déchiré par les guer­res, les épidé­mies, la triste condition humaine et un cadre social combien trop rigide.

Explorateurs, truchements (traducteurs), coureurs des bois, voyageurs (traite des fourrures), métis et chercheurs de fortune qui ont ouvert le territoire vers l’Ouest, portaient en eux, comme une lumière impalpable, cette flamme qui embraserait l’imaginaire des générations futures. Voyageurs d’une époque glorieuse où l’Europe se considérait comme le centre de l’univers, ils étaient convaincus que l’inconnu ne com­men­çait à exister qu’à partir du moment où ils parvenaient à l’attein­dre. Et ils étaient bienheureux puisque tout restait à découvrir de leur point de vue. Les défis étaient innombrables et à chaque fois qu’on ins­cri­vait dans le néant de la terra incognita une nouvelle rivière, de nouvelles mers intérieures ou un nouveau peuple, la Terre s’agran­dissait effectivement. Et, jusqu’au XVIIIe siècle, la Terra Incognita du Nouveau-Monde englobait en grande partie le nord de l’Ontario ainsi que le nord et l’ouest des Grands Lacs.

«Avant Champlain, on se contentait simplement d’aborder ce continent qui est devenu le Canada et les États-Unis. Champlain est resté; il s’est obstiné, avec une détermination et un courage inouïs, à habiter cette terre ingrate. Non seulement Cham­plain était-il un homme d’action, mais il était aussi un esprit curieux, un original, un visionnaire.» Joe C.W. Armstrong, Samuel de Champlain

Le rêve américain

Qu’est-ce qui pouvait bien inspirer les premiers Européens à mettre pied en Ontario? On peut remonter jusqu’au tout début du XVIIe siècle pour retracer les origines du rêve américain affirme Yves Casaux dans Le rêve américain : de Champlain à Cavelier de la Salle. Dénaturé on ne peut plus, le rêve américain ne consiste pas, comme on le croit au­jourd’hui, à naître pauvre et à devenir plein aux as ou à venir au monde dépourvu et à devenir président des États-Unis. Pour Samuel de Champlain, qui implantait en 1608 la toute première colonie en sol nord-américain, ce rêve consistait à pouvoir quitter un monde rongé par des guerres interminables et injustifiables, corrompu jusqu’à la moelle, gangrené par son insalubrité chronique, et de pouvoir repartir à neuf dans le Nouveau-Monde. Un monde libéré des contraintes sociales, bourgeoises, politiques, légales et historiques, où la totalité des possibles devient envisa­gea­ble.

Chose remarquable, qui ne s’était pas vérifiée ailleurs dans les Amériques, son projet s’est engagé en partenariat avec les nations autochtones plutôt que dans un bain de sang. Pour réali­ser l’a­ven­ture la plus ex­traor­di­naire et la plus gran­diose qu’il ait été donné d’imaginer et qui consiste à relan­cer le monde sur de nou­velles bases, Cham­plain a fait preu­ve, à la fois, de tous les ta­lents et de tous les coura­ges, dressant un véritable plan de développement pour la colonie qui lui tenait à cœur.

Fresque dans le Vieux-Québec.

Aucun des personnages marquants de notre histoire ne demeure aussi présent au quotidien que Samuel de Champlain, bien que l’histoire ait été ingrate envers son fils spirituel, Étienne Brûlé, qui l’a précédé et lui a ouvert la voie en Ontario. Dans tout l’est de l’Amérique il a laissé une trace indélébile. La toponymie nord-américaine, de la côte atlantique aux rives du fleuve Saint-Laurent et jusqu’aux Grands Lacs, lui doit des centaines de dénominations de lieux qu’il attribuait au fil de ses déplacements et de son œuvre de cartographe. Encore aujourd’hui, une centaine de monuments dispersés à travers le monde, dont une majorité aux États-Unis, évoquent sa notoriété. Et on peut même suivre sa trace dans le Nord-Ontario lors de la visite qu’il y a effectuée il y a 400 ans, en 1615.

Une des raisons de ce phénomène tient au fait que les écrits de Champlain constituent le fondement de nos connaissances historiques concernant le Canada. Leur valeur singulière provient de ce que Champlain est, pour ainsi dire, le seul auteur de son époque que l’on puisse considérer comme source historique authentique. Il a véritablement habité la Nouvelle-France, et a même passé un hiver avec les Hurons au sud de la baie Georgienne. Il fut témoin oculaire de presque tout ce qu’il rapporte et son récit possède l’immense avantage d’être édifié comme un journal fidèle et régulier où se trouvent consignées ses découvertes ainsi que tous les événements qui ont marqué ses périples. Les Européens connaissaient alors un réel engouement pour les relations de voyage ou les récits d’explora­tion que ne manquaient de rédiger les voyageurs du Nouveau-Monde en débordant amplement du simple carnet de route. D’autant plus que leurs auteurs ne se sont jamais gênés pour les enjoliver d’ex­ploits dispropor­tion­nés, d’in­terpréta­tions dithy­ram­bi­ques ou de chimères effrayan­tes, contrairement à Champlain qui, malgré plusieurs variations, a adopté une approche quasi anthropologique. Les écrits de Samuel de Champlain font figure de best-sellers qui ont aussi contribué à embraser l’ima­gi­naire fan­tas­ma­go­ri­que des nombreux rê­veurs des Vieux-Pays et à leur faire découvrir une grande part de ce qui est aujourd’hui l’Ontario.

À Pointe-au-Baril, une plaque souligne le passage de Champlain, il y a 400 ans.

Le Père de la Nouvelle-France

S’il est, en Amérique, un peuple qui parle français et dont les racines s’étendent dans le Nord-Ontario comme ailleurs au Canada, c’est, en bonne partie, à cause de cet homme plein de ressources et d’énergie, l’un des plus éminents colonisateurs du continent nord-américain, qui fit surgir de ses rêves le pays de la Nouvelle-France.

Le père de la Nouvelle-France a su composer avec les éléments, avec une nature insoumise et un environnement hostile ainsi qu’avec les Autochtones, en s’associant les Algonquins, les Montagnais et les Etchemins contre les Iroquois, acquérant ainsi le droit d’explorer et de coloniser le territoire. C’est d’ailleurs conséquemment à cette alliance que Champlain s’est rendu en Huronie et a séjourné dans la région des Grands Lacs, sur la magnifique baie Georgienne.

Les qualités transcendantes de Champlain l’imposent comme un modèle pour cette société française qu’il a implantée au Canada. Il est absolument fascinant de suivre ses traces, celles des Voyageurs qui alimentaient les postes de traite de l’Ouest canadien et celles de nombreux autres grands aventuriers, au long d’un itinéraire touristique mythique qui emprunte la rivière des Outaouais et la rivière Mattawa, le lac Nipissing et la rivière des Français vers la Baie Georgienne en traversant l’actuel territoire francophone du Nord-Ontario.

Une incursion touristique et historique en Ontario s’inspirant de Champlain et des Voyageurs qui ont succédé, pourra révéler toute leur dimension humaine au-delà du mythe.

Sur les berges de la rivière Mattawa, qui a vu passer toutes les légendes de la Nouvelle-France, vous attend le parc Samuel de Champlain...
À propos de Yves Ouellet

Yves Ouellet est journaliste depuis plus de 30 ans, se déplaçant constamment dans les régions du Québec, du Canada et dans le monde. Auteur de 28 livres, dont un sur la motoneige au Canada, il collabore aux sections tourisme de plusieurs journaux et magazines où il a publié plus de 3000 reportages et 12 000 photos. Il écrit pour le Magazine Motoneige Québec depuis 27 ans et en est le rédacteur en chef. Il a été récipiendaire de nombreux prix, dont celui du « Meilleur reportage touristique en français au Canada » en 2009 et 2014.

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